Dans une étude récente, des chercheuses et des chercheurs de l’Institut Necker Enfants Malades, ont révélé qu’un type de cellules immunitaires dans la rate — les macrophages résidents de la zone marginale de la rate (MMMs) — joue un rôle crucial dans l’activation de la réponse immunitaire contre les cellules tumorales circulant dans le sang. Une découverte qui remet en question certaines idées reçues sur le fonctionnement du système immunitaire.

Coupe 2D d’une rate de souris observée 24 h après immunisation avec un antigène modèle (Ovalbumine), ciblé vers les macrophages métallophiles (MMMs). L’image montre des contacts (en jaune) entre les MMMs (en vert) et des lymphocytes T spécifiques de l’ovalbumine activés (CD69, en rouge), sans contact avec les cellules dendritiques (en cyan).
© Mauvais FX et al., Immunity 2025 / Institut Necker Enfants Malades, UMR-S 1151
Un type de macrophage jusqu’ici peu étudié
Les macrophages sont des cellules clés de notre système immunitaire. Ils ingèrent et détruisent les corps étrangers, les pathogènes et les cellules en fin de vie, jouant ainsi un rôle crucial dans l’immunité innée.
Mais certains macrophages, plus spécialisés, restent peu étudiés, en partie à cause de la difficulté de les isoler. C’est le cas des macrophages résidents de la zone marginale de la rate, ou MMMs. Ces cellules occupent une position stratégique pour détecter et intercepter les menaces en circulation dans le sang circulant.
Une fonction bien plus active que prévu
Jusqu’ici, les MMMs étaient considérés comme de simples « pièges à microbes », capturant les pathogènes ou les cellules tumorales sans jouer un rôle direct dans l’activation des cellules immunitaires adaptatives. On pensait que seules quelques cellules dendritiques, spécialisées dans la détection initiale des menaces, pouvaient activer les lymphocytes « killer » T CD8+, chargés d’éliminer les cellules infectées ou cancéreuses.
Mais grâce à une technique innovante de purification, les chercheuses et les chercheurs ont réussi à isoler des MMMs « purs » et montré qu’ils sont capables d’activer directement les lymphocytes T CD8+ via un mécanisme appelé cross-priming (ou présentation croisée).
À l’aide de techniques d’imagerie en feuillets de lumière à l’échelle de la rate entière ou d’imagerie intravitale, ils ont observé in situ des interactions prolongées entre MMMs et lymphocytes T CD8+ au sein de la rate.
Les résultats montrent que les MMMs ne sont pas de simples cellules sentinelles passives, mais qu’ils peuvent eux-mêmes déclencher une réponse immunitaire cytotoxique efficace.
Un mécanisme différent…mais efficace
Pour activer les lymphocytes T, les MMMs utilisent une voie intracellulaire dite « vacuolaire », faisant intervenir des compartiments intracellulaires spécialisés, pour produire des fragments de peptides capables de stimuler les lymphocytes T CD8+. Cette voie est différente de celle des cellules dendritiques (qui utilisent une voie cytosolique). Cette voie « vacuolaire », généralement jugée moins performante, se révèle ici particulièrement efficace.
Une activation indépendante des cellules dendritiques
Fait marquant : même en l’absence de cellules dendritiques réputées indispensables pour activer les lymphocytes « killer », les MMMs parviennent à déclencher une réponse antitumorale robuste dans des modèles murins. Cette capacité dépend toutefois de Batf3, un facteur de transcription également impliqué dans le développement et les fonctions du type de cellules dendritiques efficace pour la présentation croisée.
Les chercheuses et les chercheurs ont confirmé ce rôle dans différents modèles expérimentaux, démontrant une protection contre des métastases pulmonaires et des leucémies expérimentales.
Vers de nouvelles pistes thérapeutiques ?
Bien que peu abondants au sein de la rate, les MMMs se révèlent être des acteurs majeurs de l’immunité antitumorale. Leur capacité à capter les cellules tumorales et à déclencher une réponse cytotoxique sans relais obligatoire par les cellules dendritiques en fait des candidats prometteurs pour de futures stratégies thérapeutiques visant à renforcer la surveillance immunitaire contre les tumeurs circulantes ou envahissant la rate.
Retrouvez l’article dans son intégralité
Mauvais FX, Hamel Y, Silvin A, Mulder K, Hildner K, Akyol R, Dalod M, Koumantou D, Saveanu L, Garfa M, Cagnard N, Bertocci B, Ginhoux F, van Endert P. Metallophilic marginal zone macrophages cross-prime CD8+ T cell-mediated protective immunity against blood-borne tumors. Immunity. 2025 Mar 18:S1074-7613(25)00094-9. doi: 10.1016/j.immuni.2025.02.027. Epub ahead of print. PMID: 40139188.
L’article est accessible en cliquant ici.
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