Dans le cadre d’une collaboration entre l’équipe du Professeur Fernando Rodrigues Lima (Unité de Biologie Fonctionnelle et Adaptative (BFA), UMR 8251 Université Paris Cité / CNRS) et le laboratoire du Docteur Michael Green (MD Anderson Cancer Center/Université du Texas), des travaux ont mis en évidence et précisé les mécanismes moléculaires à l’origine, entre autres, de la dérégulation de la croissance cellulaire des lymphocytes B, les rendant cancéreux. Ces recherches ont permis d’expliciter l’action d’une enzyme « zombie » produite par des mutations du gène CREBBP chez les patients. Alors que l’enzyme CREBBP intervient normalement dans la croissance des lymphocytes B et la réponse immunitaire, lorsque le gène CREBBP est muté, l’enzyme, bien que produite, est inactive et ne contrôle plus la croissance cellulaire. Les lymphocytes B prolifèrent alors anormalement provoquant un cancer du système lymphatique.
© Pr. Francisco Vega et Dr. Florent Busi

 

Si le système immunitaire est chargé d’éliminer tout ce qui n’a pas sa place dans notre corps : virus, bactéries, toxines… mais également cellules cancéreuses, il peut lui aussi être concerné par le cancer. C’est le cas des lymphomes B qui sont étudiés par les chercheurs des équipes du Pr. Rodrigues Lima et du Dr. Green.

Les lymphomes B sont des cancers du système lymphatique, système qui constitue l’une des parties les plus importantes du système immunitaire, car il protège l’organisme des maladies et des infections. Ce système lymphatique est constitué de vaisseaux, de ganglions lymphatiques et d’organes qui sont reliés à toutes les parties du corps porteuses d’un liquide transparent, la lymphe, contenant des cellules immunitaires, appelées lymphocytes.

Parmi les différents lymphocytes, les lymphocytes B, cellules essentielles du système immunitaire, sont activés au niveau des ganglions lymphatiques dans lesquels ils évoluent et se spécialisent pour fabriquer des anticorps qui s’emploient à combattre les infections.

 

Par quel phénomène les cellules immunitaires, lymphocytes B, deviennent-elles cancéreuses ?

A l’origine de ce cancer, il y a notamment une mutation génétique sur le gène CREBBP, exprimé dans les lymphocytes B. En temps normal, le gène CREBBP s’active pour permettre la production d’une enzyme, appelée CREBBP dont le rôle est de réguler la croissance des cellules lymphocytes B et la réponse du système immunitaire. Comment ? L’activité biochimique de cette enzyme CREBBP, va réguler l’activité et les fonctions d’autres gènes présents dans les lymphocytes B pour, contrôler la croissance et la multiplication des lymphocytes B afin d’avoir la quantité utile et suffisante de ces cellules pour combattre les infections.

L’étude des processus qui modifient l’activité des gènes dans une cellule, sans modifier les gènes eux-mêmes, s’appelle l’épigénétique.

Cette faculté qu’a cette enzyme CREBBP de provoquer l’activation ou l’inactivation de certains gènes (par la modification biochimique de molécules cellulaires telles que les histones et les facteurs de transcription), permettant à un même ADN (série de gènes) d’être utilisé différemment d’une cellule à une autre, font d’elle une enzyme épigénétique.

Lorsque le gène CREBPP des lymphocytes B est muté, l’enzyme CREBBP est bien produite mais inactive. Elle ne joue donc plus son rôle de régulatrice de l’activité des autres gènes responsables de la croissance et de la multiplication des lymphocytes B. On parle alors de forme « zombie » de l’enzyme, présente mais inopérante. Les lymphocytes B, non seulement ne s’activent plus aussi bien qu’ils le feraient en temps normal pour éliminer les virus, bactéries, cellules cancéreuses… mais il se mettent également à proliférer de manière anarchique au niveau des ganglions lymphatiques, engendrant un cancer du système lymphatique, le lymphome B.

 

Quelle piste thérapeutique pour ce cancer ?

Dans les lymphocytes B, une autre enzyme, appelée P300 peut généralement « compenser » au moins partiellement par son action les fonctions de CREBBP et réguler la croissance et la multiplication des lymphocytes B. Dans le cas des lymphomes B, le problème vient du fait que CREBBP est bien produite, mais non fonctionnelle, donc de forme « zombie ». P300 se trouve donc en présence de CREBBP mais n’en perçoit pas la perte d’activité, ne faisant en quelque sorte pas la différence entre CREBBP active et CREBBP sous forme « zombie » et par conséquent ne prenant pas le relai. Les lymphocytes B ont donc la possibilité de proliférer car plus aucune enzyme ne contrôle ce processus.

Les chercheurs ont montré que l’activation de certaines cascades de réactions moléculaires par un anticorps thérapeutique pouvait remédier à l’incapacité de p300 à remplacer CREBBP au sein des lymphocytes B cancéreux conduisant ces derniers à leur mort. Par ce mécanisme, les chercheurs ont mis en lumière une piste thérapeutique intéressante qui devrait permettre de compenser la non fonctionnalité de l’enzyme CREBBP « zombie » produite par le gène CREBBP muté dans les lymphomes B.

 

Ces travaux de recherche bénéficient d’un financement du National Institutes of Health (NIH)

Blunted CD40-responsive enhancer activation in CREBBP-mutant lymphomas can be restored by enforced CD4 T-cell engagement

BLOOD, 10 juillet 2025

DOI : https://doi.org/10.1182/blood.2024026664

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Epigénétique : Si la génétique s’intéresse spécifiquement aux gènes, à leur séquence d’ADN, à leurs mutations potentielles… l’épigénétique explore les facteurs qui influencent l’activation ou non des gènes dans la cellule, leur comportement. Contrairement aux mutations génétiques, les modifications épigénétiques sont réversibles.

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