Dans une récente étude publiée le 8 mars 2023 dans la revue Cancer Immunology Research, l’équipe de recherche Inflammation, complément et cancer dirigée par la Pr. Isabelle Cremer au Centre de Recherche des Cordeliers (Université Paris Cité, Sorbonne Université, Inserm), montre que le virus de la grippe aggrave la progression du cancer du poumon et la mortalité associée dans un modèle animal. Ces résultats suggèrent que le traitement par des antiviraux ou la vaccination contre la grippe réduirait l’hospitalisation et la mortalité des patients atteints de cancer du poumon et sont une forte incitation à la vaccination des patients et de leur entourage.

Marquages en immunofluorescence sur des coupes de tumeurs pulmonaires montrant les cellules tumorales exprimant la pancytokératine (panCK), les cellules immunitaires exprimant CD45, et la protéine virale hemagglutinin A (HA) du virus influenza. Ces images montrent que la protéine virale HA est détectée à la fois dans les cellules tumorales et les cellules immunitaires.
© Isabelle Cremer – Centre de Recherche des Cordeliers
Un milliard de personnes dans le monde contractent la grippe chaque année. Les patients atteints de cancers du poumon présentent un risque plus élevé de morbidité et de mortalité lié à la grippe saisonnière.
L’équipe dirigée par Isabelle Cremer, professeur d’Immunologie au Centre de Recherche des Cordeliers, a cherché à comprendre les interactions entre le virus de la grippe et le microenvironnement tumoral, afin d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques pour protéger les patients atteints de cancer du poumon.
Les auteurs montrent dans des modèles murins de cancer du poumon que l’infection aiguë par le virus de la grippe a un effet à long terme sur le microenvironnement tumoral, en diminuant les réponses immunitaires antitumorales, en augmentant la progression tumorale et en diminuant la survie des modèles murins. Ces constats permettent d’envisager des évolutions dans la gestion prophylactique et thérapeutique des patients atteints de cancer du poumon.
L’équipe a tout d’abord étudié l’impact de la charge virale du virus de la grippe A (Influenza A) sur la progression du cancer et sur les acteurs cellulaires et moléculaires de l’environnement tumoral. Dans cet environnement, des cellules immunitaires sont présentes dont le rôle est de détruire les cellules tumorales. Les chercheurs ont montré que le virus Influenza A infecte à la fois les cellules tumorales et les cellules immunitaires, ce qui entraîne un effet pro-tumoral (en faveur du développement de la tumeur) à long terme dans des modèles animaux porteurs de tumeurs. D’un point de vue mécanistique, l’infection par le virus Influenza A altère la réponse immunitaire antitumorale des lymphocytes T, conduisant à l’épuisement de ces derniers.
Parallèlement, l’équipe a comparé l’expression de l’ensemble des gènes impliqués dans la tumeur et le microenvironnement tumoral. Les chercheurs ont comparé deux groupes de modèles animaux, tous atteints de cancer du poumon, mais infectés ou non par le virus Influenza. Ils ont ainsi pu démontrer que, chez les modèles murins, l’infection par le virus Influenza A modifie l’expression de 3 groupes de gènes particuliers avec pour effet (1) une diminution de la réaction immunitaire antitumorale, (2) une augmentation de la progression de la tumeur, et (3) une modification du métabolisme des molécules utilisées en chimiothérapie, qui pourraient devenir moins efficaces.
Ce profil d’expression génique caractéristique a également été retrouvé dans une cohorte de patients atteints d’adénocarcinome pulmonaire et est corrélé à une faible survie.
Ces résultats montrent donc que l’infection par le virus Influenza A aggrave la progression des tumeurs pulmonaires en reprogrammant le microenvironnement tumoral pour le rendre plus agressif. Ils démontrent l’importance de la vaccination annuelle contre la grippe pour les patients atteints de cancer du poumon et pour leurs proches. Cet acte de prévention peu coûteux et relativement sûr, ainsi que l’initiation précoce d’un traitement antiviral en cas de grippe devraient être fortement recommandés dans cette population à haut risque, chez leurs proches et chez les prestataires de soins.
Références
Acute influenza infection promotes lung tumor growth by reprogramming the tumor microenvironment
DOI : https://doi.org/10.1158/2326-6066.CIR-22-0534
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