Karine Chemla, historienne des mathématiques, et Florence Gazeau, spécialiste du nanomagnétisme appliqué à la médecine, ont été élues à l’Académie des sciences. Leurs travaux, qui repoussent les frontières de la connaissance, sont ainsi reconnus par l’une des institutions scientifiques les plus prestigieuses.

Photographies de Karine Chemla et de Florence Gazeau

A gauche, Karine Chemla et à droite Florence Gazeau

 

Karine Chemla

Historienne des mathématiques, Karine Chemla est chercheuse émérite au laboratoire SPHERE (CNRS/Université Paris Cité). Spécialiste de l’histoire mondiale des mathématiques, elle a consacré ses travaux aux traditions chinoises et européennes, mettant en lumière les circulations des savoirs scientifiques à travers les siècles. Son approche critique et comparative a contribué à renouveler notre compréhension des mathématiques comme discipline ancrée dans des contextes culturels variés.

Florence Gazeau

Physicienne et directrice de recherche au CNRS, Florence Gazeau travaille au sein du laboratoire MSC Med/NABI (CNRS/Université Paris Cité). Experte en nanomagnétisme et en nanomédecine, elle développe des applications innovantes pour le diagnostic et le traitement des maladies, notamment grâce à l’IRM et aux thérapies ciblées. Elle est également cofondatrice de la start-up EverZom, qui explore le potentiel thérapeutique des nanoparticules biologiques.

 

Comment en êtes-vous venues à travailler dans votre domaine de recherche actuel ?

KC : En 1979 j’avais entamé une thèse de mathématiques puis j’ai postulé à l’une des bourses de voyage lointain de la Fondation Singer-Polignac qui m’a permis de partir en Chine. Un programme a été mis en place à l’Institut d’Histoire des Sciences de la Nature de l’Académie des Sciences de Chine et j’y ai appris le chinois et l’histoire des mathématiques. Je me suis prise de passion pour ce sujet et ai rédigé ma thèse de mathématiques sur un traité chinois du XIIIe siècle. En 1982, j’ai intégré le CNRS avec un projet sur l’histoire des mathématiques en Chine.

FG : J’ai suivi des études de physique et j’ai ensuite travaillé sur le nanomagnétisme durant ma thèse. Après mon recrutement au CNRS, j’ai conduit un projet sur des applications biologiques et médicales du nanomagnétisme. En collaboration avec des médecins et des biologistes, j’ai travaillé sur les interactions entre les nanoparticules et les cellules. J’ai ainsi été amenée à travailler sur ce que l’on nomme aujourd’hui la nanomédecine.

 

Pourriez-vous présenter vos recherches de façon accessible ? 

KC : Je conçois mon travail en tirant des documents mathématiques anciens des problématiques qui permettent de mieux comprendre le travail scientifique. De ce fait, les sources chinoises, tout comme les sources en cunéiforme, en sanskrit et en arabe se trouvent intégrées dans les recherches et réflexions des historiennes et des historiens des sciences. Cette approche permet de dépasser une vision eurocentrée de l’histoire des sciences qui ne s’intéressait qu’aux ouvrages savants produits en Europe.

FG : En travaillant avec des médecins, j’ai développé un procédé de marquage cellulaire avec des nanoparticules magnétiques qui permettent de suivre par IRM et de guider des cellules injectées dans l’organisme dans le cadre de thérapies cellulaires. Nous développons actuellement des stratégies pour optimiser l’efficacité des immunothérapies dans les tumeurs solides. Je travaille aussi sur des nanoparticules biologiques telles que des vésicules issues des cellules qui ont un intérêt grandissant comme biomarqueurs pour le diagnostic mais aussi comme biomédicaments. Cela nous a d’ailleurs conduit à lancer EverZom, une start-up dont l’un des objectifs est de produire ces nanovésicules à grande échelle à partir de cellules souches pour des applications en médecine régénérative.

 

Comment concevez-vous votre entrée à l’Académie des Sciences ?

KC : L’Académie des Sciences est à mes yeux une institution d’excellence scientifique et je me réjouis de continuer à apprendre au contact de mes consœurs et de mes confrères. C’est une institution qui s’empare de questions cruciales pour notre société, comme l’éducation, l’intégrité scientifique ou encore l’évaluation. Elle propose des rapports réfléchis, à même d’influer sur notre futur collectif. J’apprécie l’engagement éthique et scientifique que ces actions représentent et j’ai l’intention de m’y engager.

FG : Cette élection représente à mes yeux une reconnaissance pour ma discipline qui pourrait ainsi gagner en crédibilité pour développer des applications médicales, facilitant leurs applications en clinique humaine. Elle met en lumière le rôle essentiel des femmes dans les sciences et leur accès aux postes à responsabilités. Enfin, J’espère pouvoir contribuer au progrès de la société et peser sur les décideurs en participant aux groupes de travail pluridisciplinaires de l’académie, notamment sur les enjeux de santé planétaire.

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