Cycle de séminaires
Chaque année universitaire, le Centre des Politiques de la Terre questionne les effets de ses termes – « centre », « politiques » et « terre » – et de leurs chaînes d’interdépendance en organisant mensuellement des séminaires interdisciplinaires – invitant des scientifiques extérieur.e.s au Centre et issu.e.s des sciences naturelles et expérimentales & des sciences humaines et sociales – sur une problématique particulière. Chacune des séries de séminaires du Centre se conclut avec un colloque convoquant des jeunes chercheur.se.s extérieur.e.s au Centre à présenter leur propre recherche sur la problématique travaillée pendant l’année.

© Zoé Sauvage
« Les leviers de transformations »
2024/2025
Le séminaire 2024/2025 du Centre des Politiques de la Terre sera consacré à réfléchir aux conditions de possibilité et aux enjeux d’un projet de transformation de nos modes d’habiter la Terre, ouvrant la voie à un avenir climatique et environnemental moins sombre et plus équitable. Quelles seraient les implications d’une véritable transformation socio-écologique à la mesure des défis actuels, du point de vue des multiples dimensions de l’habiter humain et social ? Quels leviers pourraient déclencher cette transformation ? Au cours des séances, nous explorerons plusieurs de ces leviers, en y incluant à la fois des approches théoriques transformatrices porteuses d’une alternative de monde, ainsi que des objets ou des champs empiriques. Les premières se caractérisent par leur puissante visée pragmatique : de la perspective de la décroissance à celle de la justice climatique et environnementale, aux écologies décoloniales et indigénistes. Elles déclinent une notion holiste de transformation, en appelant à des changements de paradigme économique, politique et socio-environnemental. Les deuxièmes se caractérisent pour être des creusets de réflexivités : de la santé à la nourriture, du climat aux dynamiques terrestres (et aux pratiques de savoirs qui les ciblent). Ces champs empiriques, investis par les écologies anthropocéniques, le productivisme et l’extractivisme, offrent en effet autant d’occasions d’expérimenter d’autres agencements écologiques, en enclenchant des transformations de plus ample échelle. Ils sont des objets hybrides à la croisée des disciplines, au carrefour entre Nord et Sud, entre l’échelle locale des territoires habités et les enjeux globaux de gouvernance, ainsi qu’entre le présent socio-environnemental et le futur « profond » de la Terre. Traversés par les rapports de force géopolitiques, épistémiques et sociaux, ils offrent un point d’ancrage pour les transformer. La notion de transformation dont ils sont porteurs se traduit dans des engagements transformatifs plus situés, mais porteurs d’effets à cascade.
Ce séminaire, pensé comme un va-et-vient entre théories pragmatiques et empiries réflexives, se propose comme un espace pour penser ce que cela implique, concrètement, de transformer nos façons d’habiter la Terre. En ce sens, le séminaire vise à prolonger l’activité du Centre des Politiques de la Terre autour de la notion d’« habitabilité » pour la rendre opératoire à travers un large éventail de dimensions constitutives de nos façons d’habiter la planète et les territoires.
Détails du cycle 2024/2025
Session 1
Nommer la discontinuité : transition ou transformation ?
Intervenant.e.s pressenti.e.s : Éloi Laurent – OfCE, Sciences Po – et Wolfgang Cramer – IMBE, CNRS
Session animée par la géographe Nathalie Blanc – LADYSS, CNRS ; Directrice du Centre des Politiques de la Terre
Le concept de « transition » écologique a connu ces dernières années une popularité considérable. Des plans de reconversion énergétique nationaux au greenwashing des entreprises privées, en passant par les revendications des mouvements écologistes, le champ politique associé à cette notion s’est de plus en plus élargi. Est-ce qu’il court le risque de devenir un signifiant vide ? Lors de cette première séance du cycle de séminaires annuels du Centre des Politiques de la Terre, notre objectif est d’explorer la généalogie de ce terme, les différentes écoles de pensée et les expérimentations qui s’y rattachent ainsi que les notions alternatives qui peuplent le champ discursif écologiste.
Comment penser des transformations socio-environnementales concrètes à partir des territoires et de la question de leur habitabilité ? Comment nommer le besoin d’une discontinuité historique dans les façons de travailler, d’habiter la Terre, de faire communauté avec d’autres êtres, de se déplacer ? Une discontinuité suffisamment vaste pour laisser foisonner les possibles et les pluralités, mais suffisamment concrète et spécifique pour ne pas courir le risque d’être récupérée à des fins de préservation du statu quo. Avant de nous consacrer à analyser plus concrètement les leviers possibles d’une telle transformation, cette séance vise à fournir une assise conceptuelle à la réflexion sur un changement social et environnemental radical.
19 septembre 2024 / 14h00 à 16h30 / Salle 146 du bâtiment Olympe de Gouges, Université Paris Cité – 8 rue Albert Einstein 75013 Paris : rentrer dans le hall, diriger vous vers le grand escalier rouge, monter au premier étage, tourner à droite et emprunter la première porte vitrée à droite, chercher la salle 146.
Session 2
Politiques climatiques : quels leviers d’action ?
La deuxième séance du séminaire « Les leviers de transformation » se penche sur l’exploration des politiques climatiques et des institutions internationales dédiées, explorant des dimensions jusque-là inexplorées par le GIEC. Comment les incertitudes liées aux impacts anthropogéniques imprévisibles sont-elles prises (ou pas) en compte dans les rapports du groupe de travail 1 ? Quelles conséquences l’inclusion de ces impacts imprévisibles aurait sur notre compréhension des enjeux ? Comment la sobriété est définie par le GIEC et quelle place trouve-t-elle dans un cadre discursif confisqué par les logiques d’ « optimisation » économique ? Est-il possible de décoloniser les scénarios du groupe de travail 3, malgré les asymétries de pouvoir et de poids attribuées aux différents acteurs nationaux ? Quelle place y-a-t-il pour construire une politique climatique équitable au sein du GIEC ?
Nous en discuterons avec Marc Delepouve, épistémologue et historien des sciences et des techniques, chercheur associé au Conservateur national des arts et métiers (HT2S, CNAM) ainsi qu’avec Yamina Saheb, ingénieur, docteur en énergétique et politiste, ancien membre du groupe de travail 3 du GIEC et professeure à Sciences Po. La séance sera animée par Anabella Rosemberg, experte en transition juste, ancienne Directrice des Programmes à Greenpeace International, conseillère du Réseau Action Climat International et enseignante à Sciences Po.
17 octobre 2024 / 10h00 à 12h30 / Salle 1005 du bâtiment Sophie Germain, Université Paris Cité – Pl. Aurélie Nemours, 75013 Paris ; Dans le hall d’entrée, prendre le grand escalier à droite ; Monter au premier étage et passer les portes vitrées ; Chercher la salle 1005.
Session 3
Le Green Capitalisme peut-il répondre aux problèmes d’habitabilité terrestres ?
Intervenant.e.s pressenti.e.s : Edouard Morena, politiste – University of London Institute in Paris (ULIP) – et Salomée Gelot, chercheuse en écologie et aménagement du territoire – UMS Patrimoine Naturelle, MNHN.
Session animée par : Germana Berlantini, postdoctorante du Centre des Politiques de la Terre
À un moment de l’histoire où personne ne peut nier la nécessité de changer les formes de relation économique et sociale avec la nature et la planète, le système économique capitaliste cherche à se renouveler et à légitimer une nouvelle phase « verte » d’accumulation et de développement. Le capitalisme vert propose un projet de transition socio-environnementale basé sur la centralité du marché et des entreprises, soutenant que le modèle de société qui a engendré la crise écologique peut devenir durable. L’objectif du capitalisme vert est de concilier la croissance économique avec la protection de l’environnement, cherchant à maximiser les avantages pour la société tout en minimisant les impacts négatifs sur l’écosystème. Cette rhétorique est-elle vraie ? Au cours de cette séance, nous nous interrogerons sur la mesure dans laquelle le green capitalism représente réellement un projet de transformation socio-écologique capable de relever les défis climatiques et environnementaux, et quel type d’équilibre social ce projet préfigure. Nous ferons cela à partir de deux terrains d’études représentatifs des logiques de valorisation, de récupération ou de contournement capitaliste de l’environnementalisme : le marché des compensations carbones et les mesures compensatoires visant “l’absence de perte nette de biodiversité”, un domaine d’action dans lequel les études démontrent que des critères d’ordre économique s’imposent au détriment de l’impact écologique des dites mesures.
8 novembre 2023 / 15h00 à 17h30 / Salle 146 du bâtiment Olympe de Gouges, Université Paris Cité – 8 rue Albert Einstein 75013 Paris : rentrer dans le hall, diriger vous vers le grand escalier rouge, monter au premier étage, tourner à droite et emprunter la première porte vitrée à droite, chercher la salle 146.
Session 4
Leviers de réflexivité dans l’étude du système Terre
Intervenant.e.s : Basile Hector – Institut des Géosciences de l’Environnement, Université Grenoble Alpes -, Adam Bobbette – University of Glasgow – et Germana Berlantini– Centre des Politiques de la Terre.
Session animée par : Maud Devès – IPGP, Université Paris Cité ; membre du Centre des Politiques de la Terre
L’épistémologie féministe et postcoloniale, ainsi que les science and technology studies, ont contribué à diffuser dans le contexte des sciences expérimentales la conscience de l’ancrage social incontournable des pratiques de connaissance. Non seulement les valeurs et les cognitions extrascientifiques des chercheur.euses et des institutions orientent leurs choix en matière d’objets de recherche, de méthodologies, etc., mais elles peuvent également être à l’origine de biais cognitifs qui compromettent les conditions d’objectivité de la production de connaissance. À la limite, les sciences peuvent contribuer à la reproduction d’inégalités dites « épistémiques », c’est-à-dire un accès inégal à des savoirs et des informations vitaux, distribué selon les lignes du genre, de la race, des géographies et des classes sociales. Dans la phase actuelle de crise écologique, l’étude expérimentale des dynamiques terrestres et climatiques a acquis une nouvelle visibilité et une importance sociétale accrue en tant qu’outil de prévision, de mitigation et d’adaptation aux dérèglements en cours et à venir. Dans ce contexte, la réflexivité sur les facteurs sociaux affectant la production de connaissance revêt un rôle primordial. Cela vise non seulement, comme c’est le cas dans d’autres domaines de la recherche, à corriger d’éventuels biais, à mieux orienter les choix en matière d’objets de recherche, ou à implémenter la diversité sociale et cognitive des chercheur.euses, mais aussi à contribuer à atténuer les inégalités liées à l’impact différencié des dérèglements environnementaux. En ce sens, les approches expérimentales à l’étude de la Terre, du vivant et du climat à l’époque de l’Anthropocène ne sont pas neutres, mais s’inscrivent dans des stratégies plus larges de production de futurs, plus ou moins équitables, plus ou moins durables. Prendre conscience de cette inscription et de cet horizon politique implicite représente un enjeu fondamental pour imaginer une transformation socio-environnementale dans laquelle les sciences jouent le rôle de vecteurs de démocratie. Au cours de cette séance, nous présenterons des cas d’étude illustrant autant de leviers capables d’accroître la réflexivité des chercheur.es sur leurs pratiques scientifiques, en vue de la conscientisation des enjeux politiques propres à l’étude des dynamiques terrestres.
19 décembre 2024 / 10h à 12h30 / Salle 146 du bâtiment Olympe de Gouges, Université Paris Cité – 8 rue Albert Einstein 75013 Paris : rentrer dans le hall, diriger vous vers le grand escalier rouge, monter au premier étage, tourner à droite et emprunter la première porte vitrée à droite, chercher la salle 146.
Session 5
Habitabilité, sobriété, décroissance
Intervenant.e.s : Antoine Godin – Agence Française de Développement (AFD), chercheur associé au Centre d’économie de l’Université Paris-Nord (CEPN) – et Eric Pineault – Institut des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)
Session animée par : Isabelle Hillenkamp – IRD, Cessma ; membre du Centre des Politiques de la Terre
Cette séance du séminaire plonge dans l’examen de la perspective de la décroissance ou de la sobriété, en tant que catalyseur pour un changement de paradigme radical, s’éloignant des modèles économiques productivistes. En remettant en question le paradigme de croissance continue et mettant en avant la nécessité de réduire la consommation des ressources naturelles, des énergies et des biens matériels, cette approche vise à réorienter les sociétés vers des modèles économiques plus durables, équitables et en harmonie avec les limites environnementales de la planète. En ce sens, elle apporte une approche critique et alternative de la transformation écologique de nos modes de vie, encourageant une réflexion sur les indicateurs de richesse, privilégiant la qualité de vie, la solidarité et le bien-être plutôt que la croissance à tout prix. En explorant les défis et les opportunités ouverts par la décroissance, cette séance vise à offrir une perspective sur ce projet de transformation sociétale.
21 janvier 2025 / 15h à 17h30 par Zoom
Session 6 annulée en soutien à la mobilisation des étudiant.es contre la casse du service public, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Changer d’agriculture, refaire de la nourriture : quels leviers de transformation ?
Intervenant.e.s : Isabelle Goldringer, agronome généticienne, directrice de recherches à l’INRAe, et – et Benoît Leroux – Maître de conférences en sociologie à l’Université de Poitiers (Laboratoire GRESCO)
Session animée par : Jeanne Oui – sociologue, chercheuse postdoctorante au Laboratoire Interdisciplinaire Recherche Innovation Société-LISIS
À l’époque du « Plantationocene », l’écologisation des pratiques agricoles représente l’un des enjeux les plus importants de tout projet de transformation socio-environnementale. Malgré le grand nombre de modèles alternatifs proposés à l’échelle locale et internationale jusqu’à aujourd’hui, le complexe agro-industriel dominant est loin d’être remis en cause. Ce qui explique cette inertie est la complexité des réarrangements nécessaires : changer d’agriculture implique non seulement une révolution des pratiques de cultivation, mais aussi une remise en cause de l’organisation du travail agricole, des formes de propriété des terres, du commerce international, des modes de consommation et des habitudes alimentaires. Mais c’est justement en raison de cette imbrication profonde avec une pluralité de dimensions socio-économiques et écologiques que l’agriculture peut incarner un point d’appui de transformations multiples. À l’interface entre l’économie des marchés globaux, les écosystèmes locaux, les devenirs biologiques des espèces cultivées et de celles infestantes, ainsi que les flux de marchandises, elle représente un levier de possibles effets en cascade. Comment les déclencher ?
20 février 2025 / 10h à 12h30 / En ZOOM uniquement.
Transformer, réensauvager : faut-il « laisser la nature suivre son cours » ?
Intervenant.e.s : Virginie Maris – directrice de recherche au CNRS et chercheuse au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE) – et Loïs Morel – écologue, enseignant chercheur au sein de l’UMR Dynamique et durabilité des écosystèmes : de la source à l’océan (DECOD).
Session animée par : Alexandra Locquet – docteure en géographie au sein du laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS).
La perspective du réensauvagement, née au cours des années 90, propose une approche novatrice de la protection de la nature, de plus en plus répandue. Elle se distingue des pratiques classiques de conservation en accordant une place prépondérante aux processus écologiques spontanés. Actuellement, des projets de réensauvagement sont en cours dans plusieurs pays européens, englobant la création de zones « cœur » protégées de l’activité humaine, la réintroduction d’espèces, ou simplement la libre évolution d’écosystèmes forestiers. Plusieurs courants cohabitent à l’intérieur de cette mouvance : l’une s’accorde aux pensées latouriennes et hybridistes effaçant toute distinction entre culture et nature. L’autre défend l’utilité d’un partage entre l’anthropisé et le sauvage afin de protéger ce dernier de la croissante colonisation dont il fait l’objet.
Au cours de cette séance, nous explorerons les directions de transformation proposées par cette perspective : à la fois transformation ponctuelle des écosystèmes ciblés, transformation du rôle humain dans la relation à la nature et transformation plus vaste de la géographie des espaces habités sur la planète. Avec une géographe, une philosophe et un écologue, nous nous demanderons : est-ce que le réensauvagement peut ouvrir des perspectives écologiquement satisfaisantes et politiquement désirables face à la crise écologique contemporaine ?
Session 8
Une seule santé ? Les approches One Health et Planetary Health
Intervenant.e.s pressenti.e.s : information à venir
Session animée par : information à venir
17 avril 2025 / 10h à 12h30 / Salle 575F du bâtiment Halle aux Farines, Université Paris Cité – Esplanade Pierre Vidal-Naquet, 75013 Paris