En utilisant les signatures isotopiques d’artéfacts archéologiques polynésiens, une équipe interdisciplinaire notamment composée d’archéologues et de géochimistes du CNRS, de l’IPGP et d’Université Paris Cité, éclaire le peuplement historique des îles polynésiennes les plus occidentales.

© Hermann and al.
Les peuples polynésiens sont connus pour s’être établis sur des territoires de plus en plus isolés au sein de l’océan Pacifique, depuis les Samoa et Tonga dans le Pacifique central jusqu’à l’Ile de Pâques (Rapa Nui) à l’Est, Hawai’i au nord, et la Nouvelle-Zélande (Aotearoa) au sud. Mais si les migrations de ces populations vers l’est sont bien connues, les peuplements polynésiens à l’ouest du 180e méridien restent très largement méconnus.
Afin de mieux comprendre les liens entre ces polynésiens de l’ouest du Pacifique et les autres sociétés océaniennes, une équipe multidisciplinaire a mené une étude géochimique complète d’artefacts archéologiques en pierre provenant de plusieurs îles dans les archipels des Vanuatu, des Salomon et des Caroline, collectés lors de plusieurs expéditions archéologiques depuis les années 1970.

Photos de certaines des herminettes étudiées et diagramme montrant comment la composition isotopique du plomb de neuf des échantillons étudiés correspond à celles des roches volcaniques connues sur les îles des différents archipels de Polynésie (Hawaii, Marquises, Société, Australes et Samoa) et des Carolines. Six des herminettes proviennent de la même île de l’archipel des Samoa (Tutuila) alors que trois proviennent des Carolines. © Hermann and al.
Les artefacts sont des herminettes, objets tranchants ayant la forme des binettes actuelles et qui servaient à creuser le bois. Ces échantillons ont été analysés pour leurs compositions chimiques et isotopiques (Sr, Nd et Pb) de façon à pouvoir tracer leur origine géologique. En effet, les roches volcaniques qui les constituent peuvent avoir été excavées dans l’une des multiples carrières connues sur les différentes îles environnantes (Polynésie, Micronésie, etc.) mais en comparant la signature géochimique et isotopique de chacun de ces artefacts avec celles des roches des différents archipels de la région, il est possible d’identifier de façon unique leur origine géologique.
Cette étude, menée par des chercheurs CNRS de l’UMR 8068 Temps et de l’Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Cité, IPGP, CNRS) montre ainsi sans ambiguïté l’existence de multiples échanges entre les polynésiens de l’ouest avec l’aire culturelle polynésienne principale d’un côté et avec les sociétés océaniennes non-polynésiennes de l’autre.
L’étude montre notamment que la plupart des lames d’herminette polynésiennes ont une provenance commune et clairement identifiée à plus de 2500 km, dans une carrière des îles Samoa. Par ailleurs, les échanges identifiés entre différentes îles éloignées laissent penser que les navigateurs polynésiens ont joué un rôle important dans la diffusion de certaines pratiques culturelles et techniques à l’ensemble des sociétés insulaires du Pacifique occidental au cours du dernier millénaire.
Bibliographie :
> Aymeric Hermann et al., Artifact geochemistry demonstrates long-distance voyaging in the Polynesian Outliers.Sci. Adv.9, eadf4487(2023).
DOI:10.1126/sciadv.adf4487
À lire aussi

Deux professeurs d’UPCité distingués par les Chaires d’excellence en Biologie/Santé
Dans le cadre du plan Innovation Santé 2030, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a attribué quinze Chaires d’excellence à des scientifiques d’exception pour mener des projets biomédicaux ambitieux en France. Parmi eux, deux enseignants-chercheurs à l'Université...
lire plus
Le rôle inattendu des astrocytes dans l’obésité
Des chercheuses et chercheurs de l’Unité de biologie fonctionnelle et adaptative (BFA - Université Paris Cité/CNRS) ont montré que l’obésité altère le fonctionnement des astrocytes, des cellules cérébrales clés du striatum. La manipulation de ces cellules chez la...
lire plus
Prédire les AVC grâce à un système basé sur l’intelligence artificielle
L'équipe du Pr Emmanuel Messas (Université Paris Cité/AP-HP), accompagné du Dr Frédéric Saldmann, est à l’origine d’un système non-invasif innovant de prédiction des risques d’AVC. Issue d'une collaboration entre Octogone Medical, l'Université Paris Cité, l’INSERM et...
lire plus
Lévitation magnétique : un modèle simple pour un phénomène complexe
Une équipe du laboratoire Matière et Systèmes Complexes (MSC - Université Paris Cité/CNRS), en collaboration avec le laboratoire de physique de l’ENS Lyon, a décrit, pour la première fois par un modèle simple, le mécanisme de la lévitation magnétique d'un aimant placé...
lire plus